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Usufruit et fiscalité

Il ne faut pas sous-estimer l’impact économique de la constitution d’un usufruit.

A titre de rappel, la constitution d’un usufruit sur un bien immobilier permet au contribuable de transmettre ce dernier tout en conservant un certain usage. Le contribuable reste ainsi redevable de charges tout aussi, voire plus importantes, que lorsqu’il était propriétaire. Vous trouverez ci-dessous un exemple chiffré dans un cas de vente et de donation avec réserve d’usufruit.

 

Les éléments de départ sont les suivants :

Achat du bien immobilier il y a 20 ans pour                               CHF 700’000

Valeur fiscale actuelle                                                                      CHF 840’000

Valeur locative (IFD)                                                                      CHF 20’000

Hypothèque                                                                                    CHF 350’000

Intérêts hypothécaires annuels (2.5%)                                       CHF 8’750

 

Charge fiscale avant le transfert :

Impôt foncier                                                                            CHF 840

Impôt sur le revenu                                                                  CHF 0

Impôt sur la fortune :                                                               CHF 600

Charge hypothécaire                                                                CHF 8’750

Charge totale supportée en lien avec le bien immobilier :      CHF 10’190

 

Vente avec réserve d’usufruit

Le contribuable peut vendre son bien immobilier à un proche ou à un tiers, tout en conservant l’usage de ce dernier.

Dans notre exemple, le bien immobilier est vendu au prix de CHF 1’600’000, et la valeur de l’usufruit se monte à CHF 400’000. La dette hypothécaire est également transférée.  Le vendeur percevra ainsi la somme de CHF 850’000 (1’600’000-400’000-350’000).

D’un point de vue fiscal, le vendeur doit continuer à déclarer le bien immobilier dans sa fortune immobilière, pour la nouvelle valeur de CHF 1’600’000, avant de déduction de l’abattement de 40%, soit une valeur nette de CHF 960’000. La valeur locative du bien immobilier reste inchangée. Il devra également s’acquitter de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers, estimé en l’espèce à CHF 8’200.

De plus, le vendeur désormais usufruitier devra continuer à assurer le paiement des intérêts hypothécaires, ainsi que l’impôt immobilier complémentaire et les charges d’entretien courantes du bien immobilier. Il ne pourra toutefois pas bénéficier de la déduction de la dette hypothécaire, cette dernière étant reprise par l’acheteur.

Le total des charges est ainsi le suivant :

Impôt foncier                                                                           CHF 1’600

Impôt sur le revenu                                                                  CHF 0

Impôt sur la fortune                                                                 CHF 11’280

Charge hypothécaire                                                                CHF 8’750

Charge totale supportée en lien avec le bien immobilier :      CHF 21’630

 

 

Donation avec réserve d’usufruit

La seconde variante qui consiste en la donation du bien immobilier, à un enfant par exemple, avec réserve d’usufruit est assez fréquente. Elle permet notamment au donateur de se séparer de sa maison, tout en pouvant conserver l’usage du bien. Cet outil est fréquemment utilisé en vue de régler une partie de sa succession (cf. l’article paru dans le journal de janvier 2017).

La donation en ligne directe présente l’avantage d’être exemptée de tout impôt en ligne directe (enfant). Toutefois, le donateur ne recevra aucune contrepartie financière et devra, en tant qu’usufruitier, continuer d’assurer des charges financières relatives au bien. Aucun impôt sur les gains immobiliers ne sera du dès lors que l’imposition est différée en cas de transfert par donation. Quant à la dette hypothécaire, elle est souvent transmise au donataire, mais peut, sous certaines conditions, être conservée par le donateur (élément à prévoir dans le contrat de donation).

Les charges financières se présentent comme suit :

Impôt foncier                                                                          CHF 1600

Impôt sur le revenu                                                                  CHF 0

Impôt sur la fortune                                                                 CHF 8’400

Charge hypothécaire                                                                CHF 8’750

Charge totale supportée en lien avec le bien immobilier :      CHF 18’750

 

A la lecture de ce qui précède, vous constaterez que le transfert immobilier avec réserve d’usufruit engendre une charge fiscale supplémentaire pour l’ancien propriétaire (usufruitier). Bien que dessaisi de la pleine propriété, il reste néanmoins responsable du paiement de charges financières et fiscales importantes. Un tel transfert ne doit ainsi pas être réalisé dans l’optique d’une économie pécuniaire. Bien qu’engendrant une charge financière plus importante, le recours à la vente permet au propriétaire de jouir de liquidités inexistantes dans la variante de la donation.

Les deux variantes exposées ci-avant présentent des avantages et des inconvénients ; la décision de recourir à l’une ou l’autre option doit ainsi être prise à la lumière de divers éléments, tels que le besoin en liquidités, le souci de transmettre son bien à un enfant avant la succession. Nous vous recommandons dès lors fortement de bien estimer et anticiper les charges relatives au nouvel usufruit avant de mettre en place l’usufruit.

Valeurs détaillées

Impôt immobilier complémentaire (impôt foncier)

1% de la valeur fiscale immobilière (avant abattement)

Valeur locative IFD nette : Valeur locative IFD (20’000) – frais forfaitaire de 20% (4’000) – intérêts hypothécaires (8’750) = CHF 7’250

 

Valeur locative ICC nette : Valeur locative ICC (VL IFD – 40%= 12’000) – frais forfaitaire de 20% (2’400) – intérêts hypothécaires (8’750) = CHF 850

Prix de vente = CHF 1’600’000

Usufruit = CHF 400’000

Usufruitier âge de 60 à 69 ans révolus = ¼ de la valeur du bien immobilier (valeur vénale)

Prix versé au vendeur (valeur vénale – usufruit – reprise dette) = CHF 850’000

 

IBGI

Valeur vénale – valeur usufruit – valeur fiscale du bien majorée de 130% au taux d’imposition de 10% (détention de 20 ans)

(1’600’000 – 400’000 – 1’118’000) = 82’000 x 10% = CHF 8’200

 

Fortune de l’usufruitier après la vente :

Nouvelle valeur fiscale du bien – valeur de l’usufruit CHF 960’000 ((1’600’000 – 400’000) x 60%)

Reçu en cash = 850’000 (1’200’000 – 350’000)

. / . IBGI sur vente = 8’200

= CHF 1’801’800

 

Fortune de l’usufruitier après la donation :

Nouvelle valeur fiscale + donation de la dette

CHF 960’000 (1’600’000 x 60%) + CHF 350’000 = CHF 1’310’000