Vous avez sans doute suivi l’actualité se concentrant sur le débat écologique.
Le Conseil d’Etat a approuvé en décembre dernier le plan directeur de l’énergie 2020-2030 qui prévoit de réduire « drastiquement » la consommation de mazout, gaz et pétrole dans le canton. Ce plan directeur se fixe pour objectif de diminuer de 60% les émissions de CO2 d’ici 2030 à Genève et s’inscrit dans l’urgence climatique votée par le Grand Conseil. Il prévoit une série de mesures qui engagent le canton, parmi lesquelles figue un encouragement à la rénovation du bâti.
La communication du Conseil d’Etat se concentre sur la réduction de la consommation d’énergie par personne, en ambitionnant de la diviser par 3,5 d’ici 2050.
Pour ce faire, il a annoncé la couleur, en expliquant en substance que le règlement cantonal sur l’énergie sera modifié d’ici l’été de façon à interdire les nouvelles chaudières à mazout ainsi que le renouvellement des chaudières existantes.
Selon les informations qu’il a communiquées, les bâtiments ne pourront au demeurant plus dépasser un indice de dépense de chaleur (IDC) de 450 mégajoules, par mètre carré et par année, contre 800 et 900 aujourd’hui. Cela signifie que 60% du parc bâti ne sera plus en conformité, contre 3% actuellement. Selon lui, ce sera ainsi un moyen d’inciter la rénovation de bâtiment qui n’est aujourd’hui pas suffisante. Des subventions et des rabais fiscaux sont annoncés, mais avec beaucoup moins de précision et au jour où nous écrivons, nous n’avons reçu aucune information à ce sujet.
Si ces annonces s’inscrivent dans une période où l’écologie occupe de plus en plus de place dans le débat public et à juste titre à notre sens, elles doivent être replacées dans un contexte d’analyse objective, en tenant en compte de la sensibilité des partis politiques qui n’est certainement pas étrangère à ce débat. Or, en faisant cette analyse, nous constatons ce qui suit.
Tout d’abord, il existe à Genève une Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR). Cette loi prévoit en substance que si des travaux conséquents de rénovation sont réalisés dans un immeuble, les loyers doivent être plafonnés pendant plusieurs années, souvent à un montant plus bas que les loyers avant travaux. Dès lors, les parties de gauche ont l’assurance, par ce moyen, de contrôler les loyers à travers un contrôle étatique. Cette loi conduit à notre sens à la détérioration du parc immobilier genevois, étant donné que les propriétaires d’immeubles ne souhaitent pas s’engager dans des dépenses importantes pour s’exposer ensuite à une intervention de l’Etat imposant une diminution de leurs loyers.
Qui accepterait de payer des montants substantiels pour rénover son immeuble alors que la conséquence directe de cette rénovation en est une diminution de son rendement ?
A notre avis, l’absence de rénovation des immeubles dans le canton résulte donc de cette loi qu’il conviendrait au préalable de modifier pour encourager les rénovations souhaitées par le canton.
Ensuite, nous considérons qu’il est incorrect d’orienter la communication en matière énergétique à la seule consommation par personne, sans inclure la densification du canton et les nombreux chantiers y relatifs dans l’équation.
Aucun professionnel ne pourra contester par exemple qu’une villa abritant un, voire deux logements, mais dont la consommation en énergie est plus importante que les 450 mégajoules par mètre carré par année consommerait toujours beaucoup moins qu’un immeuble de 20 logements de type « Minergie » construit à sa place, ne serait-ce que par le nombre d’habitants y vivant.
De plus, dans cet exemple précis, l’atteinte à l’environnement en est décuplée, de par le nombre de voitures par habitant et le chantier et les allers et venues de camions, fabrication de bétons, destruction de gravas, transports de terre, destruction des espaces verts, coupe des arbres etc…
En réalité, plus on construit, plus on augmente le nombre de logements et plus on pollue. Il conviendrait à tout le moins de le reconnaître par honnêteté intellectuelle.
Cela étant rappelé, il faut aussi souligner que la réforme annoncée pourrait conduire très rapidement à des dépenses obligatoires considérables pour les propriétaires de biens immobiliers, devant une nouvelle fois se mettre aux normes.
Nous estimons par exemple que ces dépenses pourraient s’élever à plusieurs dizaines de milliers de francs pour une villa mal isolée, voire plusieurs centaines de milliers de francs dans des cas spécifiques. Pour les immeubles, ces dépenses seront plus importantes encore, avec comme conséquence supplémentaire la réduction de leur rendement comme expliqué ci-dessus.
En d’autres termes, les propriétaires devront une nouvelle fois passer à la caisse et certains n’y arriveront pas…
Lorsque l’on sait qu’une réforme sur la réévaluation de la valeur fiscale des biens immobiliers du canton est toujours à l’étude au Grand Conseil, il convient de se montrer extrêmement attentifs.
L’adoption du nouveau règlement cantonal sur l’énergie pourrait donc potentiellement conduire des propriétaires à vendre leur bien, à défaut de pouvoir assumer le coût de sa mise aux normes. A considérer que leur bien soit une villa qui se situe en zone de développement, cela conduirait à la création d’un immeuble sur la parcelle en question, avec une augmentation exponentielle des dépenses énergétiques, sans que le parallèle n’ait été fait sur les objectifs annoncés de réduction des dépenses énergétiques et le résultat final qui en est l’augmentation…
Nous serions extrêmement surpris que le Conseil d’Etat qui encourage la création de logements n’y ait pas pensé.
A lumière de ce qui précède, il conviendra donc de s’assurer à tout le moins que les subventions garanties par le canton seront substantielles, pour éviter que cette réforme conduise à un effet exactement contraire à celui poursuivi.
Dit autrement, il conviendra de vérifier si le canton se donne les moyens de ses ambitions ou les impose aux propriétaires visés, ce qui serait totalement inacceptable pour nous et démontrerait qu’en réalité, l’objectif poursuivi n’est pas la préservation de l’environnement, mais la création de logements qui lui porterait plus atteinte encore…
Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons sollicité l’audition de notre association au sujet de la modification en cours du règlement cantonal sur l’énergie afin de pouvoir défendre vos intérêts avant qu’il ne soit adopté. Au jour de la rédaction de cet éditorial, nous attendons toujours une réponse.
Une chose est sûre. La votation sur la loi sur le CO2 prévue le 13 juin prochain sera déterminante pour les suites que le canton de Genève donnera à cette réforme énergétique. Prenez donc bien le temps de réfléchir avant cette votation…
Lien sur le journal Pic Vert de juin dont le texte ci-dessus est extrait