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Quand risque-t-on d’être exproprié ?

En vertu de l’article 1 de la Loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique de Genève (LEx-GE), le droit d’expropriation pour cause d’utilité publique peut être exercé pour des travaux ou des opérations d’aménagement qui sont dans l’intérêt du Canton ou d’une Commune.

Selon l’article 2 LEx-GE, «  Peuvent faire l’objet de l’expropriation : les droits réels immobiliers (propriété et droits réels restreints), les droits immobiliers résultant des dispositions légales en matière de rapports de voisinage, les droits personnels portant sur des immeubles, qu’ils appartiennent à des communes, à des établissements publics ou à des particuliers, ainsi que les droits à bâtir résultant des schémas de répartition et de localisation de tels droits figurant dans les plans localisés de quartier ou résultant de l’accord du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie et de tous les propriétaires concernés qui pourrait s’y substituer et qui doivent être exercés sur une autre surface que celles correspondant aux parcelles auxquelles ils sont attachés. L’expropriation peut être totale ou partielle, définitive ou temporaire. »

L’article 3 LEx-GE requiert néanmoins que l’utilité publique à l’origine de cette expropriation soit établie par :

  1. a) une loi décrétant d’une manière générale l’utilité publique des travaux, d’opérations d’aménagement dont elle prévoit l’exécution ou de mesures d’intérêt public et appliquant à ceux-ci les dispositions légales sur l’expropriation, ou
  2. b) une loi déclarant de manière ponctuelle l’utilité publique d’un travail ou d’un ouvrage déterminé, d’une opération d’aménagement ou d’une mesure d’intérêt public et désignant, sur présentation des pièces mentionnées par l’article 24, les immeubles ou les droits dont la cession est nécessaire, sous réserve d’une spécification plus complète par le Conseil d’Etat dans l’arrêté décrétant l’expropriation.

A Genève, trois lois générales pourraient entrer en ligne de compte conformément à la lettre a) ci-dessus.

La Loi générale sur les zones de développement (LGZD), lorsque les parcelles visées sont en zone de développement.

Son article 3 al. 8 prévoit ainsi qu’en cas de plan localisé de quartier, « L’aliénation des droits et immeubles nécessaires à la réalisation des éléments de base du programme d’équipement visés à l’alinéa 3 est déclarée d’utilité publique au sens de l’article 3, alinéa 1, lettre b, de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, du 10 juin 1933. Les propriétaires peuvent, si nécessaire, demander au Conseil d’Etat de décréter l’expropriation à leur profit, selon les modalités prévues par les articles 30 et suivants de cette loi.

Son article 4 al. 4 prévoit au demeurant la cession fiduciaire des droits à bâtir en stipulant : Afin de favoriser la réalisation du plan localisé de quartier, les droits à bâtir ne pouvant s’exercer dans un sous-périmètre peuvent être soumis à l’obligation d’une cession fiduciaire à l’Etat de Genève, à charge pour celui-ci de les rétrocéder aux mêmes conditions au cédant initial si celui-ci, ou son successeur, démontre être en mesure de poursuivre lui-même ou par l’intermédiaire d’un tiers leur réalisation ou, à défaut, de les céder à des tiers au prix maximal admis par l’Etat dans les plans financiers, le prix de vente étant rétrocédé au cédant initial ou à ses successeurs ou à toute autre personne qu’il aurait désigné. »

Ces dispositions découlent des révisions de la LGZD des 21 mars 2015 (pour l’article 3 al. 8) et du 1er janvier 2017 (pour l’article 4 al. 4).

L’article 6 LGZD relève pour le surplus qu’afin « d’éviter les effets de servitudes de restriction à bâtir, le Grand Conseil peut déclarer d’utilité publique la réalisation d’un plan localisé de quartier pour autant qu’au moins 60% des surfaces de plancher, réalisables selon ce plan, soient destinées à l’édification de logements d’utilité publique au sens des articles 15 et suivants de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977. La déclaration d’utilité publique s’applique uniquement à la levée des servitudes de restriction à bâtir. » Il s’agit ici de la loi Giromini. Cette disposition est plus ancienne, car elle date de 1993.

 

La Loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités (LExt) lorsque les parcelles visées se trouvent en zone ordinaire.

Son article 3 al. 7 prévoit : « L’aliénation des droits et immeubles nécessaires à la réalisation des éléments de base du programme d’équipement visés à l’alinéa 2 est déclarée d’utilité publique au sens de l’article 3, alinéa 1, lettre b, de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, du 10 juin 1933. Les propriétaires peuvent, si nécessaire, demander au Conseil d’Etat de décréter l’expropriation à leur profit, selon les modalités prévues par les articles 30 et suivants de cette loi. »

Son article 7 ajoute également : « Afin d’éviter les effets de servitudes de restriction à bâtir, le Grand Conseil peut déclarer d’utilité publique la réalisation d’un plan localisé de quartier pour autant qu’au moins 60% des surfaces de plancher, réalisables selon ce plan, soient destinées à l’édification de logements d’utilité publique au sens des articles 15 et suivants de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977. La déclaration d’utilité publique s’applique uniquement à la levée des servitudes de restriction à bâtir. »  Il s’agit ici toujours de la loi Giromini.

 

La Loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL)

Son article 7 précise que « Pour remédier à la pénurie de logements, l’Etat et les communes intéressées peuvent acquérir par voie d’expropriation les terrains qui leur sont nécessaires à la construction d’ensembles de logements d’utilité publique. »

Son article 8 ajoute que « Dans le cas d’expropriation prévu à l’article 7, l’Etat et les communes ne peuvent recourir à l’expropriation que s’ils ne disposent pas eux-mêmes des terrains adéquats nécessaires à la réalisation du projet conformément au plan d’aménagement localisé applicable et si le propriétaire ne construit pas lui-même des logements d’utilité publique dans un délai de 5 ans à partir de l’adoption de ce plan. »

Enfin, son article 9 stipule concernant la construction de logements d’utilité publique que « L’Etat, ou la commune, est tenu de concéder en droit de superficie aux fins de construction de logements d’utilité publique les terrains acquis en vertu du droit de préemption légal ou d’expropriation. Les droits de superficie peuvent être concédés à des collectivités publiques, à des fondations de droit public, à des organismes de droit privé sans but lucratif, à des coopératives d’habitation ou à des associations sans but lucratif. La commune peut, en outre, construire elle-même des logements d’utilité publique sur lesdits terrains.

Des échanges de terrains acquis en vertu du droit de préemption ou d’expropriation peuvent être effectués contre d’autres terrains situés en zone de développement qui offrent des droits à bâtir au moins équivalents, si ces échanges permettent de favoriser la construction de logements d’utilité publique. »

Par ailleurs, comme expliqué ci-dessus, le Conseil d’Etat peut aussi prévoir une loi spéciale soumise au Grand Conseil pour votation, dans laquelle il lui demande de reconnaître l’utilité publique d’un projet et lui confère un droit d’expropriation.

En conclusion

Vous comprendrez donc que la notion d’utilité publique est au centre de toutes ces atteintes aux droits de propriété… Or, elle n’a pas été clairement définie à notre connaissance.

Le Conseil d’Etat l’a d’ailleurs clairement souligné dans son rapport RD 1108. S’agit-il de la simple création de logements ou s’agit-il de la création de logements subventionnés et si tel est le cas de quels types et dans quel pourcentage ?

Une réponse claire du Conseil d’Etat à ces questions semble indispensable.

Il n’en demeure pas moins que les textes législatifs autorisant pareille expropriation existent déjà dans le Canton de Genève, de sorte qu’il appartiendra au Conseil d’Etat et au Grand Conseil de décider s’ils entendent les appliquer ou non, comme cela a déjà été fait en application de la Loi Giromini susmentionnée.