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Zones réservées

Eléments de réponse

Un nouvel article 10 dans le Règlement d’application de la Loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (RaLAT) octroie à l’Etat la compétence d’adopter des plans portant sur des secteurs qualifiés de  « zones réservées » à titre provisoire et pendant une durée de 5 années. Or, l’alinéa 2 dudit article précise qu’à l’intérieur de ces zones réservées, le Conseil d’Etat peut refuser toute autorisation de construire qui « soit de nature à compromettre des objectifs d’urbanisme ou la réalisation d’équipements publics ».

Il s’agit ici d’une mesure qui semble avoir pour unique objectif de contourner le contenu clair de l’article 13B de la Loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire LaLAT autorisant le DALE à refuser une autorisation de construire  compromettant des objectifs d’urbanisme ou la réalisation d’équipements publics, mais à la condition d’adopter, de modifier ou d’abroger le plan d’affectation du sol dans un délai de 2 années à compter du refus d’autorisation,  la mise à l’enquête du projet devant intervenir dans les 12 mois à compter de la décision de refus (pratique du refus conservatoire).

Le refus conservatoire actuellement en vigueur

Pour rappel, l’article 13B al. 1 de la Loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LaLAT) autorise le Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : le Département) à refuser toute demande de construction déposée par un propriétaire d’une parcelle visée par un plan d’affectation, lorsque cette autorisation pourrait compromettre des objectifs d’urbanisme ou la réalisation d’équipements publics. Il s’agit ici du refus conservatoire.

En d’autres termes, pour qu’un refus conservatoire (décision de refus) puisse être prononcé par le Département, en vertu de l’article 13B al. 1 LaLAT, deux conditions cumulatives doivent être réalisées :

  • l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan d’affectation incluant la parcelle en question paraît nécessaire ;
  • la construction envisagée sur ladite parcelle est de nature à compromettre les objectifs d’urbanisation projetés par ce plan d’affectation.

Sur cette base, seuls des aménagements de peu d’importance, n’augmentant pas la surface habitable et pour un coût maximum de l’ordre de CHF 100’000.- sont actuellement autorisés en vertu de la pratique actuelle du Département.

L’art. 13B al. 2 LaLAT précise néanmoins qu’il ne peut s’écouler plus de deux années entre la décision de refus et l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan d’affectation du sol (soit par exemple le déclassement d’une zone villa en zone de développement). Par ailleurs, il ne peut s’écouler plus de douze mois entre la décision de refus et la mise à l’enquête du projet de plan d’affectation pressenti. A défaut, le propriétaire reprend la libre disposition de son terrain, dans les limites des lois ou plans d’affectation du sol en vigueur.

Or, ces dernières années, un certain nombre de propriétaires ont pu bénéficier de cette exception en se prévalant de l’expiration du délai de deux années susmentionné. Ils ont ainsi été en mesure de construire sur leur parcelle, deux années après le refus initial du Département.

Manifestement suite à ces affaires, le Conseil d’Etat, par son projet de loi PL 11411, a tenté de faire modifier par le Grand Conseil l’art. 13B al. 2 LaLAT pour prolonger le délai susmentionné de deux à cinq années. Les députés du Grand Conseil ont rejeté cette proposition à une très grande majorité. Malgré ce refus clair des députés, le Conseil d’Etat a néanmoins adopté une nouvelle pratique visant à instaurer des zones réservées sur un certain nombre de périmètres de la zone villa. De quoi s’agit-il ?

Les  Zones réservées

Cette nouvelle pratique trouve son fondement dans l’application de l’article 27 de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) qui octroie la possibilité pour l’autorité  compétente, soit en l’occurrence le Conseil d’Etat, de délimiter des zones réservées dans lesquelles toute construction allant à l’encontre des objectifs d’un plan d’affectation pourrait être refusée.

Sur la base de cette disposition légale, et suite à une motion votée par le Grand Conseil en juin 2015 (voir motion n° 2278 ci-après), le Conseil d’Etat a adopté l’article 10 du Règlement d’application de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (RaLAT).

En résumé, cet article octroie une possibilité pour le Conseil d’Etat d’établir des plans portant la création de zones réservées pendant une durée de cinq ans et de refuser toute construction dans lesdites zones de nature à compromettre leurs affectations futures.

En d’autres termes, cette disposition légale vise à prolonger, indirectement, le délai du refus conservatoire de deux à cinq ans dans des zones qui seront manifestement définies comme « réservées » par le Conseil d’Etat ces prochaines semaines.

Ces zones réservées n’ont toutefois pas encore été définies par le Conseil d’Etat à ce jour (mars 2016) et seule leur localisation « approximative » peut être constatée sur le site Internet de l’Etat sous la carte « Programme de densification des quartiers de villas ».

En contrepartie, le Conseil d’Etat a accepté d’assouplir légèrement sa pratique administrative pour autoriser des agrandissements mesurés de 40 m2 maximum, moyennant toutefois des conditions strictes (voir fiche pratique A03 du Plan directeur cantonal 2030 ci-jointe). Cette concession semble d’ailleurs être à l’origine de la motion 2278 précitée.

Validité / procédure d’adoption

Comme nos lecteurs pourront le comprendre, la mise en application de l’article 10 RaLAT (prévoyant une mesure conservatoire de 5 ans) entre en contradiction avec l’article 13B al. 2 LaLAT (mesure conservatoire fixée à 2 ans), dans la mesure où le Conseil d’Etat a ainsi prolongé, de manière indirecte, le refus conservatoire de deux à cinq ans, mais sans avoir été en mesure de faire modifier l’article 13B al. 2 LaLAT précité.

Se pose alors la question de la validité de l’article 10 RaLAT, notamment au regard de l’article 13B al. 2 LaLAT ou de la restriction du droit à la propriété qu’il impose pour une durée minimum de cinq années.

Etant donné que cette nouvelle pratique des zones réservées vient d’être adoptée par le Conseil d’Etat, il n’existe à notre connaissance pas encore de décision judiciaire en la matière.

Au vu de la restriction très importante que ces zones imposeront aux propriétaires visés, il n’est pas exclu qu’un Tribunal ait à se prononcer rapidement sur la légalité de cette mesure lors d’un contrôle concret (soit dans le cadre de son application dans un cas concret).

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